Période inédite et troublée … quelle fiscalité pour 2025 ?

Ce début d’année est marqué par une incertitude marquante à la fois politique mais aussi fiscale, en l’absence de loi de finances pour 2025 ! Quel sera le sort des contribuables ? Quelles nouveautés sont applicables dès ce 1er janvier ? Quelle portée pour la loi spéciale, quel contenu pour la loi de finances en discussion et pourrait-elle comporter des mesures d’application rétroactive ?
Un contexte inédit lié à la loi spéciale du 20 décembre 2024 adoptée pour éviter un « shutdown » de la vie nationale et des services publics privés de ressources.
Cette loi spéciale, dispositif temporaire dans l’attente de la loi de Finances pour 2025 autorise la perception des impôts existants, les emprunts de l’Etat et de plusieurs organismes de sécurité sociale. La mesure relative à l’indexation du barème de l’IR sur l’inflation n’a donc pas sa place dans la loi spéciale, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’Etat, il s’agit de modifications affectant les règles de détermination des impôts existants.

Quelle peut être la portée de la loi de finances pour 2025 qui serait adoptée d’ici mars et non au 31 décembre de l’année 2024 ?

Il convient de rappeler d’une part que « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif » et d’autre part que la Constitution interdit la rétroactivité des lois uniquement en matière répressive.
La loi fiscale doit être « accessible, prévisible et intelligible » afin de garantir le principe de sécurité fiscale au contribuable ! Toutefois le législateur a la possibilité de déroger à la non-rétroactivité pour « un motif impérieux d’intérêt général ».
Le motif financier peut constituer à lui seul un motif impérieux à condition ” que les enjeux financiers soient suffisamment importants ” selon le Conseil Constitutionnel et ” ne portent (ainsi) pas atteinte aux  situations légalement acquises ” … il faudrait donc qu’une telle qualification soit retenue pour que la loi de finances adoptée en 2025 rétroagisse sur les revenus perçus en 2024. Il est intéressant de relever qu’un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2022 a jugé un déficit budgétaire comme suffisant. A suivre ….

Pour mémoire, s’agissant de l’Impôt sur le revenu de 2024 le fait générateur de l’imposition d’un revenu est le 31 décembre de l’année en cours. En conséquence la loi votée en 2025 s’appliquera aux revenus 2025 sous réserve de l’adoption fin 2025 d’une loi de finances pour 2026.
Ainsi sauf si la loi en dispose autrement, une loi votée courant 2025 ne devrait pas s’appliquer aux revenus 2024.
Afin que le contribuable ne subisse pas un barème de l’IR non revalorisé selon l’inflation, il est envisageable que la loi de finances pour 2025 soit rétroactive au 31 décembre 2024 pour s’appliquer aux revenus perçus par le contribuable en 2024.

Le cas particulier des distributions de dividendes nécessite de rappeler les particularités des modalités d’imposition au prélèvement forfaitaire unique (PFU), impôt non libératoire, qui s’effectue sur deux années : l’année de distribution qui constitue le fait imposable et l’année N+1.
Il est tout à fait possible que la loi de finances pour 2025 ou celle pour 2026 publiée le 31 décembre 2025, prévoit des modifications du taux du PFU applicable au 31 décembre 2025 donc à tous les revenus de l’année.
Une application rétroactive de la loi de finances c’est-à-dire aux distributions réalisées en 2024 semble à ce jour peu probable en pratique.

En matière d’impôt sur les sociétés le fait générateur d’imposition est la date de clôture de l’exercice. Ainsi une loi votée courant 2025 ne peut en principe pas s’appliquer aux sociétés qui ont clôturé leur exercice avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi mais pourrait s’appliquer aux sociétés qui clôtureront leur exercice courant 2025 après le vote d’une loi de finances pour 2025.
Les nouvelles dispositions pourraient également rétroagir au jour de l’annonce, théorie du « fair announce », pour les exercices clos entre la date de l’annonce et la date de l’entrée en vigueur de la loi.

En matière de droits de mutation à titre gratuit la loi applicable est celle du fait générateur, c’est-à-dire le jour du décès pour les successions, l’acte de donation ou l’enregistrement des dons manuels.
Ainsi en la matière une loi votée en 2025 s’appliquera le lendemain de sa publication. Il n’y aurait pas de rétroactivité mais une application éventuelle de la théorie du « fair announce » par exemple visant le dispositif Dutreil.

Quelles sont les principales mesures en discussion actuellement ?

Sur le volet immobilier il serait envisagé, à l’exception des primo-accédants, un rehaussement des droits de mutation à titre onéreux de 4.5 % à 5 % pour une durée de trois ans.
Par ailleurs l’exonération de la plus-value de cession de la résidence principale serait subordonnée au fait que le bien ait été la résidence principale du cédant durant les cinq années précédant la date de la cession, sauf motif impérieux familial, médical ou professionnel ou acquisition d’un autre bien à destination de résidence principale.
Enfin s’agissant de la location meublée non professionnelle, les amortissements déduits seraient pris en compte pour le calcul de la plus-value immobilière lors de la cession d’un bien.

En ce qui concerne la fiscalité des personnes physiques, certaines mesures méritent l’attention :
– L’instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus ou « CDHR » visant les contribuables fiscalement domiciliés en France dont le RFR est supérieur à 250 K€ pour une personne seule et 500 K€ pour un couple (similaire à la CEHR).
– L’aménagement du régime de faveur dit Dutreil, lequel prévoit une transmission par voie de donation ou de succession des entreprises avec un abattement de 75%.
Plusieurs amendements ayant été adoptés sont repris ; l’un d’eux prévoirait une proratisation de l’exonération Dutreil aux seules actions correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société et un autre prévoirait une réduction de la purge fiscale liée aux droits de donations ce qui aurait de lourdes conséquences en matière d’impôt de plus-value.
L’incertitude liée aux modalités pratiques d’application et le contexte d’une volonté de réduction du coût de ce dispositif sans évaluer ce qu’il rapporte en permettant aux entreprises de demeurer en France avec tout ce que cela induit en matière d’impôts acquittés par les personnes physiques et les sociétés, est source d’insécurité juridique et conditionnent le bon fonctionnement économique.
– Le doublement du délai de dégrèvement d’office de l’exit-tax pour certains contribuables.
– La prolongation jusqu’au 31/12/2031 du dispositif d’abattement exceptionnel applicable aux plus-values de cessions de titres de PME pour les dirigeants partant à la retraite.
– La fiscalité applicable aux BSPCE serait modifiée, le gain global serait décomposé d’un avantage salarial et d’un gain de cession. De plus il serait impossible de faire figurer des titres venant de l’exercice de BSPCE dans un PEA, PEA-PME et PEE.

Toutes ces mesures ne sont bien sûr pas encore applicables, ni définitives. L’examen du projet de loi de finances pour 2025 se poursuit et la commission mixte paritaire proposera un texte de compromis rendu public le 3 février, sur lequel les sénateurs se prononceront le 7 février à condition que le gouvernement survive au dépôt d’une éventuelle motion de censure.

Achevé de rédiger le 30/01/2025

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